Depuis plusieurs années, la mobilité autonome fait couler beaucoup d’encre. Annoncée comme la prochaine grande transformation des transports, elle suscite de nombreuses attentes, mais aussi des doutes. Si elle promet des trajets plus sûrs et efficaces, voire un potentiel écologique, son déploiement avance à un rythme plus lent que prévu. Quels sont les enjeux, les réussites, et les véritables défis de la mobilité autonome aujourd’hui ?
La mobilité partagée : le Graal de l’autonomie ?
L’avenir de la mobilité autonome repose en grande partie sur la mobilité partagée : taxis autonomes, navettes, flottes de transport public. En remplaçant les voitures individuelles par des véhicules partagés et optimisés, les usagers pourraient commander un taxi autonome ou monter dans une navette qui adapte ses trajets en fonction de la demande, réduisant ainsi le nombre de véhicules sur les routes. Les villes espèrent ainsi réduire la congestion et libérer l’espace urbain pour des aménagements plus verts.
Plus encore, en optimisant les itinéraires, en évitant les ralentissements et en favorisant des véhicules électriques ou hybrides, cette technologie pourrait réduire les émissions de CO₂ de manière significative. Ces flottes partagées autonomes pourraient aussi desservir des zones peu denses, délaissées par les transports classiques, et favoriser une mobilité accessible et inclusive.
Enfin, pour les opérateurs de transport, l’autonomie représente aussi un modèle de gestion plus rentable. Avec moins de conducteurs et une automatisation accrue de la maintenance et de la gestion des horaires, les coûts d’exploitation pourraient être réduits, ouvrant la voie à des tarifs plus accessibles et des services plus fréquents. La mobilité partagée autonome est donc un levier puissant… mais qu’en est-il de sa concrétisation ?
Où en sommes-nous ? Des projets avancés mais encore limités
Projets internationaux : l’autonomie en action
À l’étranger, plusieurs villes sont à l’avant-garde de la mobilité autonome, chacune avec ses spécificités :
- Oslo et ses taxis autonomes : En Norvège, la capitale a déployé une flotte de taxis autonomes pour faciliter les trajets urbains en collaboration avec le réseau de transport public. Ces taxis sans chauffeur rencontrent un accueil positif de la part des usagers, prouvant l’efficacité de ce modèle dans les environnements urbains adaptés. (source).
- Bus autonomes à Helsinki : La capitale finlandaise a commencé à tester des bus autonomes dans des quartiers à faible densité de population depuis 2020. Ces bus, intégrés aux réseaux de transport en commun, sont conçus pour offrir une solution de mobilité inclusive et écologique dans les zones où le transport en commun classique est moins rentable. Bien que ces bus montrent une efficacité dans les quartiers moins denses, des défis techniques demeurent pour leur adaptation dans les centres urbains à forte densité (source 1, source 2).
- Taxis sans conducteur de Waymo : Waymo, filiale d’Alphabet, est à l’avant-garde des tests de taxis autonomes en zone urbaine. Actuellement, Waymo, filiale d’Alphabet, réalise plus de 50 000 trajets par semaine à Phoenix, San Francisco et Los Angeles. Cependant, le développement de cette technologie n’est pas sans heurts : des incidents impliquant des cyclistes, barrières et autres obstacles montrent que des ajustements sont encore nécessaires pour améliorer la sécurité et la gestion des imprévus (source 1, source 2, source 3, source 4).
- Zoox, robotaxis autonomes : Zoox, filiale d’Amazon, prend une direction différente en développant des véhicules autonomes à la demande spécifiquement conçus pour fonctionner sans conducteur ni volant, et dans les deux sens. Prévue pour des lancements à San Francisco et Las Vegas, cette approche vise à révolutionner l’industrie des taxis, mais le passage de la phase de test à la phase commerciale reste encore un défi (source 1, source 2, source 3).
Ces projets démontrent des progrès importants dans le domaine de la mobilité autonome, mais soulignent également les défis techniques, notamment en matière de sécurité et d’acceptation publique, qui devront être surmontés avant une adoption généralisée.
En France : L’autonomie ferroviaire en marche
La SNCF prend des initiatives audacieuses avec plusieurs projets pilotes, positionnant la France à l’avant-garde de l’autonomie ferroviaire.
- Train de fret GoA4 : La SNCF a lancé des tests sur le transport de marchandises avec des trains autonomes sans aucune intervention humaine. L’idée ? Répondre aux besoins logistiques de manière plus flexible et économique en automatisant les trajets sur des lignes précises (source).
- Projet Telli pour les TER : Ce projet vise à introduire l’autonomie partielle dans les TER pour améliorer la ponctualité et réduire la consommation d’énergie. Cette technologie pourrait être cruciale dans les zones rurales, où le manque de conducteurs et les coûts élevés limitent l’accès au transport ferroviaire (source).
- UrbanLoop et les capsules urbaines : En parallèle, la SNCF expérimente des capsules autonomes pour la mobilité urbaine courte distance avec UrbanLoop. Ces petits véhicules pourraient offrir une solution pratique pour les trajets quotidiens comme le domicile-travail (source).
Promesses et obstacles : entre potentiel et défis colossaux
Les projets en cours montrent que la mobilité autonome pourrait apporter un souffle nouveau en matière de sécurité, de réduction des émissions et d’optimisation des trajets. En permettant une gestion optimisée des flottes et en offrant des solutions de mobilité dans les zones peu desservies, cette technologie pourrait transformer le transport urbain et ferroviaire pour le rendre plus durable et accessible.
Cependant, dans les villes denses, la mobilité autonome se heurte à des problèmes majeurs : interactions imprévisibles avec les piétons, cyclistes, ou autres véhicules, conditions météorologiques difficiles pour les capteurs (comme le brouillard ou la neige) et autres imprévus qui nécessitent des ajustements constants. Ces limitations techniques obligent encore à des tests sur des zones bien contrôlées, loin d’une adoption généralisée, tout en sachant que le coût des capteurs et des logiciels nécessaires reste très élevé, et peu accessible sans aide publique.
En parallèle, la perception de la sécurité reste un obstacle : Selon un sondage réalisé dans le cadre du séminaire national sur l’acceptation du véhicule automatisé, 66 % des sondés ne se sentiraient pas en sécurité à l’idée de partager la route avec des véhicules sans conducteur et sans volant. Pour convaincre, il faudra prouver la fiabilité de ces véhicules et démontrer une intégration sécurisée dans l’espace public.
Enfin, la mobilité autonome exige des infrastructures spécifiques : des capteurs intégrés aux routes et la 5G pour la communication en temps réel. Ces installations coûtent cher, et les collectivités hésitent encore à investir sans garantie de rentabilité. La réglementation est un autre enjeu : chaque pays doit encore adapter ses lois pour définir le cadre de sécurité et de gestion des données.
Mobilité autonome, entre espoir et pragmatisme
La mobilité autonome avance, mais son déploiement à grande échelle est loin d’être garanti. Alors que des projets concrets démontrent déjà son potentiel, les défis restent nombreux. Si l’avenir des transports passe par l’autonomie, ce sera sous conditions : des investissements massifs sous garantie d’une rentabilité accrue, une acceptabilité renforcée et un cadre réglementaire clair. La vision d’un futur partagé, écologique et optimisé est séduisante, mais elle nécessitera bien plus qu’une simple avancée technologique.