Les catastrophes dites « naturelles » se multiplient et pèsent de plus en plus lourd dans les comptes des organismes d’assurance mais aussi dans ceux du régime public d’assurance en dernier recours dit « cat’ nat’ » géré conjointement par les organismes d’assurance et par la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) sous l’égide de l’Etat.

L’enjeu est de garantir la solvabilité de ce régime sans en réduire drastiquement la couverture. Les pouvoirs publics commencent à réagir et ont annoncé une évolution significative de ses ressources financières dès le 1er janvier 2025.

Une augmentation très significative des ressources dès 2025

Le 28 décembre 2023, le ministère de l’économie et des finances a publié un arrêté au journal officiel : le taux de surprime finançant spécifiquement le régime « cat’ nat’ » passera de 12% actuellement à 20% de la prime d’assurance pour les contrats d’assurance habitation et les biens professionnels, et de 6 à 9% pour les garanties vol et incendie des contrats d’assurance automobile.

Ce taux n’avait pas évolué depuis 2001, même si l’augmentation régulière des primes d’assurance, sur lesquelles est assise la surprime, permettaient aux ressources du régime de quasiment doubler sur la même période, passant d’un peu plus de 1 Md € en 2001 à près de 1,9 Mds € par an en 2022.

L’augmentation du taux de surprime devrait en complément faire augmenter considérablement les ressources, de l’ordre de +1,2 Mds € annuels (+63%).

Une réponse de court terme à la dégradation de l’équilibre du régime

L’objectif est de prendre acte de la dégradation du ratio sinistres sur primes du régime depuis 2015. En effet, le régime est soumis à la multiplication des catastrophes naturelles : la fréquence des sinistres tous périls confondus est passée d’une fourchette entre 0,5 et 1,5 pour mille des risques assurés entre 2010 et 2015, à une fourchette entre 2,5 et 4,5 pour mille entre 2016 et 2022 inclus [i].

Cette dégradation devenait particulièrement visible dans le ratio « sinistres sur primes » (S/P) du régime, car sur les sept dernières années, cinq années avaient un ratio inquiétant entre 110% et plus de 200%, et une seule était significativement sous les 100% (2021 avec environ 40%). Cela signifie que les indemnisations étaient quasi systématiquement supérieures aux primes, impactant les réserves du système et donc sa solvabilité à long terme.

Le gouvernement a pris cette décision en moins de quinze jours sur la base du 2ème rapport annuel au ministre de l’Economie, publié par la CCR le 14 décembre 2023 [ii]. Ce rapport préconisait de passer l’actuel taux de surprime de 12% à 19%, ajoutant que « par la suite, une évolution régulière permettrait de prendre en compte l’évolution du climat à horizon 2050 ». Le gouvernement est allé au-delà de cette préconisation en passant le taux à 20%, probablement pour s’éviter la publicité négative que représentent de fréquentes augmentations, et tablant sur l’augmentation de l’assiette du prélèvement, les primes d’assurance elles-mêmes, qui s’annonce importante à l’avenir.

Des réponses structurelles qui devraient se préciser en 2024

Peut-être le gouvernement a-t-il déjà reçu des indications officieuses inquiétantes de la part de la Mission intergouvernementale sur l’assurabilité des risques climatiques [iii], lancée fin mai 2023 conjointement par les ministres de l’Economie et celui de la transition écologique, et dont les résultats étaient attendus en décembre 2023.

Pour autant, cette mission a un objectif bien plus large que l’équilibre du régime, ses recommandations devant porter sur trois axes.

Premier axe, « les moyens permettant d’assurer la soutenabilité du régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles, qui est un outil clé de résilience ». Il est probable que la mission propose un mécanisme de révision du financement du régime des catastrophes naturelles à moyen et long termes, mais il est tout à fait possible qu’elle propose plutôt, ou même en parallèle, une réforme d’ampleur du régime. Par exemple, un rapport d’information[iv] du Sénat de février 2023 suggérait, « au regard de l’évolution des techniques de construction, des mesures de prévention et des opérations de réparation de réévaluer », d’ici une dizaine d’années, l’opportunité de sortir le risque « retrait gonflement des argiles » (sécheresse) du régime Cat’ Nat’ pour en confier la prise en charge intégralement au système assurantiel privé. La mission pourrait d’ores et déjà poser les bases d’un tel transfert, progressif et sous conditions.

Le deuxième axe porte sur « le renforcement du rôle du système assurantiel dans le financement de la prévention et de l’adaptation face au dérèglement climatique, et une amélioration de l’articulation avec les interventions publiques existantes en la matière ». Au-delà de la « simple » mais indispensable indemnisation, comment financer la prévention, talon d’Achille de contrats d’assurance qui peuvent être résiliés annuellement voire à tout moment ? Verra-t-on des contrats pluriannuels pour que la prévention « paie » pour l’assureur y incitant ou accompagnant l’adaptation via des mesures financières ou des services spécifiques ?

Enfin, le troisième et dernier axe s’intéresse à « l’analyse de la contribution du cadre prudentiel et de la politique de souscription des assureurs à l’atténuation du changement climatique, et les recommandations permettant d’en accroître la portée ». En clair, l’enjeu peut être ici de dissuader les assurés de certaines pratiques « à risque », par exemple le simple fait d’habiter dans des zones à fort risque de sinistralité sans déployer des techniques de prévention ou d’adaptation – mais avec quels accompagnements ?

Quelles que soient les recommandations à venir, il est probable que leur éventuelle mise en œuvre aura un impact majeur sur le secteur de l’assurance, voire au-delà.


[i] à l’exception notable de 2021, légèrement inférieure à 1 pour 1000, cf. https://catastrophes-naturelles.ccr.fr/-/les-catastrophes-naturelles-en-france-%7C-bilan-1982-2022

[ii] https://www.ccr.fr/fr/-/ccr-cp-rapport-au-ministre-2023

[iii] https://www.ecologie.gouv.fr/bruno-maire-et-christophe-bechu-lancent-mission-sur-lassurabilite-des-risques-climatiques

[iv] La sécheresse ébranle les fondations du régime CatNat – Sénat (senat.fr)