À l’occasion de la conférence de presse de présentation du projet de réforme des retraites le 10 janvier dernier le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a annoncé l’abandon du projet de transfert des cotisations de retraite complémentaire à l’Urssaf.

Si vous avez suivi nos différents articles vous savez que ce projet a été lancé en 2019. Il a été ajourné en raison de la crise sanitaire et repoussé à deux reprises – au 1er janvier 2023 puis au 1er janvier 2024 – après s’être heurté à une forte opposition, notamment de la part des syndicats.

Le point de départ

Plusieurs études et rapports[1] remis en 2019 contenaient entre autres la préconisation <<d’unifier le recouvrement au sein de chaque sphère permettant de polariser le recouvrement social autour de l’ACOSS[2] et le recouvrement fiscal autour de la DGFIP>>. Dans cette logique, l’Etat souhaitait donc confier la collecte des cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arrco aux Urssaf.

Le gouvernement avançait plusieurs avantages :

  • La simplification des démarches des entreprises : plus qu’un seul interlocuteur au lieu de deux actuellement.
  • La réduction des coûts de gestion : selon l’Urssaf près de 700 millions d’euros d’économies par an.

Les arguments contre

Mais de nombreuses alertes furent remontées par les institutions de retraite complémentaire, les organisations syndicales et patronales, relayées par la Mission d’Evaluation et de Contrôle de la Sécurité Sociale (MECSS) du Sénat. Cette forte mobilisation des opposants provoqua les différents reports et finalement l’abandon de cette réforme.

Les syndicats dénonçaient un projet <<inutile, coûteux, et risqué, à la fois pour le service dû aux assurés comme pour l’avenir de l’emploi des salariés actuellement en charge du recouvrement dans les caisses de retraite complémentaire>>. Ils estimaient que ce transfert du recouvrement des cotisations vers l’Urssaf était la première étape de la mise en place de la réforme vers un système universel. Ils soulignaient les impacts sur les salariés de la branche recouvrement des groupes de protection sociale[3].

Les syndicats exprimaient leurs doutes sur la capacité de l’Urssaf à effectuer le calcul des droits des assurés bien que l’Urssaf, par la voie de son directeur, Yann-Gaël Amgha, se déclarait techniquement prêt pour réaliser ce transfert au 1er janvier 2023. 

Les syndicats et le Medef craignaient une main-mise de l’Etat sur les retraites complémentaires, crainte fondée sur le fait que les caisses du régime complémentaire sont excédentaires et ils qualifiaient ce projet de ‘hold-up’ « en se servant de fait dans les caisses d’un régime pourtant bien géré ».

Conclusion

Comme souvent lors des débats passionnés les arguments techniques avancés par chacun des protagonistes sont difficilement vérifiables et parfois proches du procès d’attention. Alors sur quoi baser la décision ?

Mais cet abandon peut aussi s’expliquer par l’actualité et le télescopage avec l’annonce de la réforme des retraites, déjà contestée de toutes parts par les syndicats. Dans le journal La Dépêche du 12 novembre le sénateur René-Paul Savary déclarait << Si j’étais à sa place (le gouvernement), j’abandonnerais l’idée, afin de donner un gage de confiance aux partenaires sociaux. L’intérêt technique et administratif est moins important ici que l’intérêt politique. Le gouvernement aurait tort de s’acharner »

Il a été entendu.


[1] Rapport Delevoye et Rapport Gardette en 2019

[2] L’ACOSS est la Caisse nationale du réseau des URSSAF, 22 URSSAF assurent la collecte des cotisations et leur redistribution destinées à garantir le financement du modèle social français.

[3] Groupes de protection sociale (GPS) qui ont la charge de la gestion des retraites complémentaires pour le compte de l’Agir-Arrco.