Conjointement à une nouvelle campagne d’information diffusée à la télévision et sur internet depuis le 5 juin 2022, et dans le prolongement de notre publication ‘la révolution de la E-santé c’est maintenant’ de février dernier, nous vous proposons de partager au cours de cet été un rapide point d’étape sur le lancement de ‘Mon espace santé’. Nous réaliserons un dossier plus complet à la rentrée pour un point de situation détaillé.

Un petit rappel : ‘Mon espace santé’ est un service public, gratuit, confidentiel et sécurisé qui a pour objectif de faciliter les démarches et les échanges des usagers avec les professionnels et établissements de santé pour aboutir à une meilleure prise en charge de leur santé. Les principales fonctionnalités embarquées sont :

  • Une messagerie sécurisée de santé.
  • Un Dossier Médical Partagé pour stocker ses documents de santé.
  • Un Agenda santé pour gérer ses rdvs médicaux, ses rappels et dates d’examens clés.
  • Un catalogue de services numériques de santé référencés par l’Etat.

La conclusion de notre article de février faisait état des différents défis à relever et notamment de notre capacité à prendre collectivement le virage numérique et améliorer le système de santé aux côtés de tous les acteurs, privés comme publics, professionnels ou usagers et ceci en toute sécurité et en toute confiance. 

Où en sommes-nous quelques mois après ce lancement, les défis sont-ils en passe d’être relevés ?

Premier constat :  une ambitieuse stratégie nationale

La mise en place de ‘Mon espace santé’ n’est que la partie immergée de l’iceberg. En effet, depuis 2019, le ministère chargé de la Santé porte une stratégie nationale du numérique en santé. Des structures ont été créées pour conduire ces changements :

  • L’Agence du Numérique en Santé (ANS) accompagne la transformation numérique du système de santé aux côtés de tous les acteurs concernés et assure trois grandes missions : régulateur, opérateur, promoteur/valorisateur.
  • La Délégation ministérielle du Numérique en Santé (DNS), rattachée directement au ministre des Solidarités et de la Santé assure le pilotage de l’Agence du Numérique en Santé.
  • En parallèle un ambitieux programme ‘Le Ségur du numérique en santé’ avec un investissement de 2 milliards d’euros est là pour soutenir un développement massif et cohérent et accélérer la feuille de route du numérique en santé.  
  • Pour faire gagner du temps aux entrepreneurs et accélérer la mise sur le marché de leurs innovations, le ministère des Solidarités et de la santé et ses partenaires ont mis en place G_NIUS :  le Guichet National de l’Innovation et des Usages en e-Santé.
  • PariSanté Campus, inauguré en décembre 2021, a été créé pour structurer une filière française en santé numérique de rayonnement mondial en rassemblant sur un même lieu tous les talents et expertises de la e-santé.

Du point de vue des usagers

L’ensemble des assurés a reçu (ou recevra) un premier courriel ou un courrier postal de l’Assurance Maladie leur proposant soit d’activer leur profil, soit de refuser sa création. Un profil ‘Mon espace santé’ est automatiquement créé pour tous les assurés qui n’ont pas exprimé leur opposition[1]. L’étape suivante consiste pour l’assuré à activer son profil. Cette action est nécessaire pour accéder à ses données, ajouter des documents ou compléter son profil médical. Mais dès l’ouverture automatique par l’Assurance Maladie, les professionnels de santé ont la possibilité de déposer des documents.

D’après les premiers retours, les taux d’opposition sont faibles. Selon un récent bilan de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), le nombre d’inscriptions à la plateforme ‘Mon espace santé’ s’élève à 11,2 millions au 31 mai 2022. Ses initiateurs espèrent qu’un maximum de comptes seront activés d’ici à la mi-juillet avec l’objectif de s’appuyer sur une masse critique, qui va en retour inciter les médecins à alimenter le dossier numérique de leurs patients.

Le décollage des usages numériques est bien réel pour le grand public, un des signes en est l’utilisation grandissante des messageries sécurisées. Ces avancées sont accompagnées par de nouvelles fonctionnalités qui facilitent les échanges de données, des interfaces plus performantes et aussi par le nombre croissant de professionnels de santé raccordés à ces messageries sécurisées de santé regroupées désormais sous la dénomination MSSanté.[2]

Du point de vue des professionnels de santé

Comme annoncé plus haut, le Ségur du numérique en santé a pour objectif de généraliser le partage fluide et sécurisé des données de santé entre professionnels de santé et entre soignants et patients. Pour en cible alimenter ‘Mon espace santé’, il est nécessaire que les logiciels des PS évoluent vers des versions référencées Ségur qui sont interopérables et compatibles avec ‘Mon espace santé’. Chaque logiciel devra notamment intégrer les 4 « piliers » Ségur :

  1. L’INS : Identité Nationale de Santé. Il s’agit d’un identifiant propre à chaque acteur de santé.
  2. La MSS : Messageries de Santé Sécurisée.
  3. Pro Santé Connect : Fédérateur de fournisseurs d’identité qui permet aux professionnels de s’authentifier à tous les services numériques de santé.
  4. Le DMP ou dossier médical partagé.

Par un communiqué de presse du 27 juin l’ANS se félicitait d’une 1e étape franchie avec succès pour la Vague 1 du Ségur du numérique en santé.[3]

<< ce sont plus de 80% des professionnels de santé des secteurs de la biologie médicale, radiologie, médecins de ville et de l’hôpital qui pourront bénéficier dans les prochains mois des « mises à jour logicielles Ségur ».

Le 15 juin 2022 marquait la fin de la période de candidature au référencement pour les éditeurs de logiciel métier des premiers couloirs[4] du Ségur (biologie médicale, radiologie, hôpital, médecins de ville). Dix mois après l’ouverture de la Vague 1, les solutions référencées (130 dossiers présentés et 66 validés) couvrent potentiellement plus de 80% des utilisateurs professionnels de santé de ces différents couloirs, et concrétisent la réussite de ce premier jalon important du programme.

L’ANS voit dans ce succès << la reconnaissance de la méthode de concertation et d’alignement de l’ensemble des acteurs de l’écosystème du numérique en santé, dans la continuité de la dynamique établie depuis le lancement de la feuille de route.>> 

Depuis cette année, une partie de la rémunération à la qualité des établissements de santé dépend de leur capacité à alimenter l’espace patient. Pour les libéraux, ce sera à partir de l’année prochaine, via la rémunération sur objectifs de santé publique. Les premiers déploiements ont été mis en œuvre sur le terrain et vont s’accélérer, pour ceci le calendrier de la vague 1 va être étendu. D’ici à 2025, 350.000 professionnels de santé seront formés à l’usage des nouveaux outils, avec de nouveaux modules dans les cursus de formation dès la rentrée 2022.

L’objectif d’atteindre une masse critique de professionnels de santé embarquée sur l’objectif d’alimentation de ‘Mon espace santé’ semble proche d’être atteint.[5]

Du point de vue des éditeurs et industriels de la santé

Le catalogue de services est l’une des fonctionnalités clés de ‘Mon espace santé’, il doit proposer aux citoyens des services référencés pouvant interagir de manière fluide et sécurisée avec ‘Mon espace santé’, tout en garantissant que les applications et services sont développés dans un cadre éthique et sécurisé, au travers d’un processus de référencement. Les utilisateurs de ces services pourront utiliser leurs données stockées dans ‘Mon espace santé’ et inversement récupérer toutes leurs données de santé stockées dans les différents services pour ainsi centraliser et sécuriser les données collectées, permettant à l’usager d’avoir une vision globale de son état de santé et de la partager avec les professionnels de son choix.  

Une première étape lancée par un appel à candidature en 2020, avait pour objectif de concevoir avec les acteurs du terrain les modalités d’échanges entre les applications utilisées par les usagers et ‘Mon espace santé’ et d’autre part de constituer une version du processus de référencement. Cet appel à candidature a rencontré un grand succès auprès des industriels du secteur du numérique en Santé : 117 industriels avaient postulé, parmi lesquels figurent des groupes publics (La Poste), des structures hospitalières (AP-HP, Hospices Civils de Lyon, Elsan), des entreprises leaders des SI de santé (Cegedim Logiciels Médicaux, CompuGroup Medical), de nombreuses start-up (Doctolib, Qare, Withings, Eyeneed, HappyNeuron…) et des laboratoires pharmaceutiques (Abbott, Biogen). Résultat, depuis le 31 mars 2022, tous les éditeurs de logiciels de santé peuvent déposer leur demande de référencement au catalogue de services. Toutes les demandes de référencement seront analysées par les experts de l’Agence du Numérique en Santé et du GIE SESAM-Vitale, avant d’être présentées à une commission de référencement chargée de donner un avis externe et qualifié sur les services candidats au référencement. Un avis favorable de sa part est indispensable pour obtenir le référencement. L’arrêté détaillant la composition de la commission a été publié au Journal officiel le 26 février 2022, elle est composée de 7 membres, trois représentants d’usagers grand public des outils et services numériques et quatre personnes expertes dans les domaines clés des outils numériques en santé que sont l’expertise médicale, la protection des données personnelles et l’éthique, l’expertise technique et la connaissance des entreprises du numérique en santé

Pour aider les candidats, un parcours guidé du référencement à Mon espace santé est disponible sur G_NIUS, le Guichet National de l’Innovation et des Usages en e-Santé[6] .

Une démonstration du futur catalogue de services de Mon Espace Santé s’est déjà déroulée le 18 mars 2022 avec certains des éditeurs de logiciels qui ont participé à son élaboration en 2021. Elsan, Withings, Doctolib, les Hospices civils de Lyon, Abbott et la Poste ont présenté ces parcours d’échanges de données à la main du citoyen à l’occasion de cette démonstration [7]. Tout ceci devrait inciter encore plus d’industriels et de start-up à entrer dans la boucle.

Et la suite ?  

La Délégation ministérielle au Numérique en Santé (DNS) qui a récemment présenté son bilan, considère que sa stratégie des « petits pas rapides » a permis que la e-santé se soit enfin mise en marche en France. La première étape fut la construction de « l’Etat-plateforme », avec des identifiants uniques pour les assurés, les soignants, puis l’interopérabilité et la labellisation des logiciels des professionnels de santé et maintenant l’ouverture aux services via le catalogue.

Bien sûr, de nouvelles fonctionnalités sont prévues rapidement, quelques exemples parmi d’autres :

  • Les médecins pourront déposer automatiquement leurs ordonnances via un téléservice de e-prescription qui enregistrera automatiquement chaque prescription et la dispensation correspondante accessible au pharmacien via un QR code.
  • Le volet de synthèse médical, déposé par le médecin traitant pour les patients en ALD.
  • En termes de prévention : rappels de vaccination pour les enfants, mise à disposition de conseils en prévention personnalisés.
  • Les établissements médico-sociaux pourront y déposer des documents (grille d’évaluation de l’autonomie, plan personnalisé d’accompagnement et de soin…)
  • Déléguer l’accès à Mon espace santé à un proche choisi par l’assuré.
  • Disposer automatiquement de votre carte de groupe sanguin.
  • Et d’autres services à venir …

A suivre donc …. Notamment nous nous intéressons au positionnement des assureurs car après une période de doute et d’observation ils se disent maintenant convaincus de l’intérêt de ce nouvel écosystème mais ils temporisent encore afin de mieux cerner les attentes des usagers. Probablement qu’à l’instar de la Carte vitale en son temps, ‘Mon espace santé’ est une évolution majeure qu’il ne faudra pas rater. Pour les assureurs, les nouveaux services restent à imaginer !


[1] Principe de l’opt-out : profil automatiquement créé à la fin d’un délai d’opposition de 6 semaines

[2] MSSanté est un ensemble de messageries sécurisées permettant aux professionnels habilités d’échanger par mail des données de santé de manière dématérialisée et structurée, dans un Espace de Confiance.

[3] Communique de presse ANS – 27 juin 2022

[4] Le Ségur du Numérique en Santé s’articule autour de 6 secteurs d’activité / types de professionnels appelés couloirs : Hôpital, Médecine de ville, Biologie Médicale, Radiologie, Médico-Social et Pharmacie.

[5] Les Echos : Les débuts prometteurs de « Mon Espace santé »,  Solveig Godeluck, 23 juin 2022

[6] Parcours guidé du référencement à Mon espace santé : https://gnius.esante.gouv.fr/fr/le-parcours-guide-mon-espace-sante

[7]Le replay est disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=3eJRGhCkosc