Depuis la fin 2020, le trafic ferroviaire national de voyageurs est ouvert à la concurrence et permet donc à des opérateurs de commercialiser et exploiter des liaisons en mode open access, c’est-à-dire des trafics « librement organisés », sans convention avec une autorité organisatrice de mobilité.

Les plans des grands opérateurs historiques clairement freinés par la crise sanitaire

L’ouverture à la concurrence en France, très progressive au regard de ce qui s’est passé dans d’autres pays, laissait présager un démarrage rapide de nouvelles offres, les opérateurs intéressés ayant a priori eu le temps d’analyser le marché et d’identifier les lignes à exploiter. Trenitalia prévoyait ainsi de concurrencer la SNCF sur du Paris-Lyon, via un axe Paris – Lyon – Milan, et la RENFE visait quant à elle la liaison Lyon – Marseille. Il s’agissait dans les 2 cas de trafics à Grande Vitesse. Rappelons ici que le marché est ouvert en Italie et en Espagne et que la SNCF s’est déjà positionnée sur ces réseaux via sa participation dans l’opérateur NTV en Italie et avec son offre OuiGo en Espagne, où les premiers trains commerciaux viennent tout juste de circuler entre Madrid et Barcelone.

Tous ces plans n’avaient évidemment pas pu anticiper les impacts de la crise sanitaire. Entre les restrictions de déplacement et l’incitation forte au télétravail, la fréquentation a été fortement impactée, avec une conséquence directe sur la rentabilité des trafics. Sans avoir abandonné leurs projets, les opérateurs historiques italiens et espagnols ont choisi de temporiser et d’attendre, sans doute, un contexte plus favorable et le retour des voyageurs dans les trains, notamment la clientèle affaire et les touristes.

Loin d’être en stand-by pour autant, démarrage de l’open access là où personne ne l’attendait !

La première surprise est venue de Flixtrain, qui a annoncé en juin 2019 vouloir lancer 5 lignes classiques longue distance, de type Intercités, au départ de Paris pour desservir Bruxelles, Bordeaux, Toulouse, Lyon et Nice (de nuit). Mais moins d’un an après, au début de la crise sanitaire, l’entreprise a abandonné son projet considérant que, même si le potentiel du marché français restait intéressant, les conditions économiques d’accès aux infrastructures n’étaient pas favorables. Sans exclure de revenir un jour sur ce marché, le projet est actuellement ajourné.

La deuxième initiative vient de la désormais bien connue RailCoop, première coopérative ferroviaire du genre, qui ambitionne de redonner vie à la liaison Bordeaux – Lyon. Ce projet citoyen a suscité un engouement important auprès du grand public et des collectivités locales et continue à avancer pour démarrer son service voyageurs en juin 2022. En fonction du succès de la démarche engagée, d’autres lignes pourraient voir le jour, telles que Toulouse – Rennes ou Thionville – Lyon. L’objectif de ce projet n’est pas de concurrencer la SNCF mais d’augmenter la part modale du trafic ferroviaire pour réduire les circulations en voiture, dans une logique citoyenne et éco-responsable.

Enfin, un nouvel opérateur s’est manifesté récemment auprès de l’Autorité de Régulation des Transports pour exploiter à partir de décembre 2022 des liaisons à grande vitesse entre Arcachon et Nantes. Il s’agit de la compagnie baptisée « Le Train » qui souhaite utiliser les capacités disponibles sur les lignes à grande vitesse de la Nouvelle Aquitaine et des régions avoisinantes pour proposer des liaisons plus rapides entre les métropoles desservies. La concurrence n’est donc pas frontale avec la SNCF mais ce nouvel opérateur va tout de même challenger l’offre actuellement proposée dans ces régions.

L’évolution du paysage ferroviaire français est donc en route et la Nouvelle Aquitaine en est le berceau puisqu’elle héberge le siège des 2 nouveaux opérateurs déclarés. La concurrence sera moins frontale que les projets Trenitalia ou RENFE sur l’axe Paris – Marseille mais les approches nécessairement frugales des projets en cours amèneront certainement la SNCF à continuer à questionner son offre et ses modes de fonctionnement. Les projets ne sont pas encore bouclés et beaucoup de sujets sont à régler avant de faire rouler un premier train, à commencer par l’acquisition et la maintenance du matériel roulant. On ne peut toutefois qu’être admiratif de l’audace des dirigeants de RailCoop et Le Train, a fortiori dans le contexte sanitaire que l’on connaît, et espérer que ces projets connaissent le succès visé et viennent contribuer à développer l’attractivité des territoires et la croissance de la part modale de transport décarboné !