Pour ceux qui ne connaitrait pas ALAN, voici un rapide historique depuis sa fondation en 2016. L’idée de départ des fondateurs, est résumée dans cette déclaration <<La plupart des gens voient l’assurance santé comme un mal nécessaire, avec des institutions en qui ils ne peuvent pas avoir confiance, au lieu d’associer ça à une incroyable expérience utilisateur. Nous voulons changer cela, et aider les personnes à prendre le contrôle de leur santé ” : c’est ainsi que Jean-Charles Samuelian et Charles Gorintin présentaient en 2016 Alan, la société qu’ils venaient de fonder.
Pour cela, les ingrédients privilégiés seront :
- L’innovation et la technologie pour assurer des gains de productivité et une expérience utilisateur nouvelle,
- Un management basé sur la confiance en ses collaborateurs et une culture d’entreprise privilégiant la transparence.
Mais ce qui frappe lorsque nous nous penchons sur l’histoire d’ALAN, c’est la rapidité de son développement. La société est créée en février 2016, elle dépose son dossier de demande d’agrément à l’ACPR[1] et l’obtient en octobre, devenant ainsi le premier assureur indépendant créé depuis 1986.
Sur l’angle financier, en bonne start-up devenue ‘licorne’[2] l’entreprise a su trouver les partenaires et financements pour assurer son développement. Fin 2024, l’assureur santé annonce avoir levé 173 millions d’euros, portant sa valorisation à 4 milliards d’euros, soit quasiment le double de sa dernière évaluation en mai 2022.
Un développement à grande vitesse
Mais ce développement rapide suscite des interrogations et controverses qui se sont cristallisées récemment sur les sujets autour de la réforme de la Protection Sociale Complémentaire (PSC), qui vise à garantir aux agents publics une couverture complémentaire en santé et prévoyance par la mise en place de contrats collectifs souscrits par leurs employeurs[3].
Début 2025, en réponseà l’appel d’offres lancé par Bercy (le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique), ALAN, déjà attributaire des contrats des ministères de la Transition écologique et des services du Premier ministre, crée la surprise en l’emportant devant la MGEFI, acteur historique spécialisé depuis plus de quinze ans au service des agents de ce ministère.
Ce que certains observateurs ont qualifié de « joli hold-up d’Alan »[4], fait l’effet d’un séisme dans le monde des mutuelles et de l’assurance en général.
Des oppositions virulentes
Ces choix sont vivement critiqués à la fois par les mutuelles ’sortantes’ (MGEN, MGEFI…) et par les syndicats (FO, CGT, FSU…). Des recours ont été déposé, la MGEFI, mutuelle historique du ministère de l’Economie et des Finances, avait attaqué la procédure de passation mais le référé déposé vient tout juste d’être rejeté.
Le monde de la mutualité et les syndicats sont vent debout contre cette désignation. Pour illustration, un récent article du journal L’humanité titrait << Enquête sur ALAN, la licorne couvée par la Macronie pour dynamiter le modèle mutualiste français[5] >>. Pour les syndicats, le positionnement est on ne peut plus clair : << ALAN, c’est tout ce que nous ne voulons pas !>>.
Les principaux arguments développés par les opposants concernent les sujets suivants :
- Risques sur la solidité financière et la pérennité d’ALAN, qui n’est encore qu’une start-up relativement petite et pas encore rentable,
- Caractère qualifié de lucratif et financiarisé et jugé par les syndicats trop éloigné des valeurs historiques de la protection sociale,
- Absence de présence physique et de réseau de soins, crainte d’une perte de lien social entre assurés,
- Contradiction avec l’accord interministériel : violation supposée de l’accord signé en 2024, qui privilégiait les mutuelles,
- Hébergement des données chez Amazon Web Services (AWS),
- Impact sur le modèle mutualiste dans son ensemble.
La victoire d’ALAN face à des poids lourds historiques du secteur ne laisse donc pas de place à l’indifférence !
Les raisons du succès
En prenant acte de ces arguments, essayons de décrypter pourquoi ALAN a été préféré à ses concurrents.
Premier point, les critères de choix des ministères furent plus orientés sur les aspects de la qualité de la relation client que sur un positionnement historique des assureurs. Alan se positionne avec une approche fondamentalement différente de celle des mutuelles classiques. Son modèle se base sur l’accessibilité et l’utilisation des outils numériques pour simplifier l’expérience utilisateur. Un récent rapport de Les Échos [6]souligne que ces éléments confèrent à Alan un avantage compétitif indéniable sur le marché de l’assurance santé.
Le choix d’ALAN n’est donc pas uniquement une question de coûts et il correspond à une volonté de moderniser l’expérience santé avec une gestion entièrement en ligne et des frais réduits. Cela illustre les enjeux de digitalisation et d’innovation dans les offres d’assurance santé.
Cet épisode met en lumière un certain nombre de points de blocage, au moins de préoccupations dont la moindre n’est pas la divergence ‘idéologique’ entre mutualisme et ‘nouveaux entrants’ et qui rend difficile une approche dépassionnée du dossier.
[1] Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
[2] Licorne : Dans le monde des startups, une licorne désigne une entreprise privée valorisée à plus d’un milliard d’euros.
[3] La réforme de la PSC prévoit que tous les agents publics (titulaires, contractuels, stagiaires, etc.) bénéficient d’une couverture collective, cofinancée par leur employeur. À partir de 2025, cette couverture deviendra obligatoire. La PSC a pour objectif d’uniformiser et d’améliorer la protection sociale des agents publics, en alignant leur couverture sur celle du secteur privé, tout en offrant des garanties adaptées à leurs besoins.
[4] https://www.argusdelassurance.com/assurance-de-personnes/prevoyance/psc-la-surprise-alan-incite-les-assureurs-sante-a-ajuster-le-tir.233094
[5] L’humanité n°24238 du 22 juillet 2025
[6] https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/video-la-recette-magique-dalan-pour-defier-les-geants-de-la-mutuelle-2159689