Rendu public début avril 2024, le rapport sur les risques climatiques issu de la mission Langreney est soumis à d’intenses débats auprès des organismes d’assurances de la place.
Pourquoi ?
L’une des explications peut être vue dans la longue liste de recommandations qui essayent de couvrir tous les aspects du sujet : des risques induits par le dérèglement climatique à la décarbonation des assureurs, en passant par des améliorations de la loi ELAN et en matière de financement et l’harmonisation du régime Cat Nat.
Vaste programme qui n’a pas manqué de faire réagir les principaux dirigeants du monde de l’assurance.
Ce rapport était attendu et faisait écho à plusieurs années d’enchaînement de sinistres climatiques ayant dégradé l’équilibre technique du régime.
En mai 2023 le ministre de la Transition Ecologique ainsi que le ministre des Finances lance une mission pour réaliser un état des lieux sur l’évolution du système assurantiel français face au dérèglement climatique.
Gonéri Le Cozannet, expert au BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), Thierry Langreney, président de l’association Ateliers du futur, ancien DG de Pacifica, et Myriam Mérad, directrice de recherche au CNRS, ont remis leur rapport en décembre 2023 et il a été publié début avril 2024 par les pouvoirs publics.
Un rapport qui formule 37 recommandations à travers 11 objectifs majeurs (cf. le rapport complet ici).
Recentrons l’analyse sur 3 des principales recommandations qui nourrissent le débat.
1 – Tout d’abord, permettre la libre fixation des primes et franchises du régime Cat Nat pour les résidences secondaires et les biens locatifs situés dans des zones très exposées.
Le but de cette mesure serait de favoriser l’assurabilité des résidences principales et d’obliger les propriétaires de biens secondaires à mettre en place des mesures de prévention.
Cette mesure ne fait pas l’unanimité et plusieurs grands groupes ont déjà montré leur opposition sur ce sujet.
Selon le rapport, 40% des ménages exposés au risque inondation perdraient l’intégralité de leur patrimoine en cas de sinistre. 40% en perdraient moins de la moitié. Il en est déduit par les auteurs qu’il existe « des personnes qui doivent absolument continuer à se couvrir, d’autres pour qui c’est préférable, mais moins important ».
Ainsi la libre fixation des primes et franchises sur certaines zones et les travaux de prévention permettraient d’éviter un certain nombre de sinistres ou au minimum de favoriser l’équilibre technique.
2 – Mettre en place un bonus/malus sur la surprime Cat Nat entre les zones à faible et forte exposition, mesure qui permettra d’éviter que les assureurs fuient les zones à forte exposition et de compenser les déséquilibres concurrentiels liés à une présence plus faible de certains assureurs sur des zones à risque vis-à-vis de leurs concurrents.
Ce bonus/malus serait sous forme d’abondement, par les assureurs, de la cotisation Cat Nat payée par leurs assurés. Ce prélèvement pourrait être nul, voir négatif pour les compagnies les plus impliquées sur les zones à risque.
Cette mesure serait une incitation à un rééquilibrage de l’assurabilité sur le territoire entre les différents acteurs présents sur le marché.
3 – Hausse et indexation automatique des taux de la surprime Cat Nat, sur l’inflation climatique, évaluée à 1% par an avec pour objectif l’équilibre financier du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Cette mesure ne fait pas consensus auprès des grands groupes d’assurance, le passage du taux de surprime de 12 à 20% pour les MRH et les biens professionnels ayant été acté par décret à partir du 1er janvier 2025, voir notre précédente note de début janvier 2024.
Nous sommes donc rentrés dans une longue phase de négociation et d’ajustement du rapport pour ensuite passer dans les rouages du processus législatif.
Un point d’attention peut être soulevé, du fait de l’urgence climatique et de la multiplication des sinistres, les initiatives en matière écologique se multiplient (rapport, textes proposés à l’Assemblée nationale par exemple sur le retrait-gonflement de l’argile (RGA), prise de position des assureurs), cependant cette multiplication peut avoir un effet négatif pour les assurés et sur le traitement des sinistres, alourdissant les démarches, déjà fort compliquées actuellement.