Une proposition pour généraliser l’assurance dépendance en France

par | 4 juillet 2024 | Assurance

S’il y a un sujet sur lequel la vitesse d’avancement est inversement proportionnelle à l’importance du sujet, c’est bien celui de la dépendance !  

Depuis une quinzaine d’années, plusieurs gouvernements se sont penchés sur le sujet, mais en achoppant sur la question cruciale du financement. Après le rapport Libault [1]de 2019, puis avec le vote de l’ajout d’une 5ème branche (dédiée à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées) en juillet 2020, peu d’avancées notables sur le sujet. Ce qui est de nature à inquiéter les professionnels de l’aide aux personnes âgées qui tirent régulièrement la sonnette d’alarme.

Il est donc important de mettre en avant une intéressante contribution, du côté des assureurs, à la réflexion sur le financement du reste à charge de la dépendance. En effet, le 24 janvier 2024, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a publié une recommandation sur l’assurance dépendance. Ce comité a travaillé, sur proposition de France Assureur et de la FNMF, à un projet ambitieux de généralisation de la couverture dépendance totale : le Contrat Dépendance Solidaire. Pour rappel, la Mutualité Française, rejointe par France Assureurs, porte depuis plusieurs années un projet de couverture dépendance en inclusion dans les contrats santé.  [2]

Ce « contrat dépendance solidaire » vise à la fois à limiter le reste à charge des ménages et à privilégier le maintien à domicile, explique le CCSF, et il recommande la mise en œuvre d’un dispositif obligatoire, reposant sur la mutualisation la plus large pour en limiter le coût pour les personnes assurées.

Le dispositif proposé, qui intégrerait les obligations qui pourraient être éventuellement formulées par l’Autorité de la Concurrence, repose donc sur 3 piliers :

  • Un contrat d’assurance dépendance : Le Contrat Dépendance Solidaire
  • Une gouvernance collégiale en charge de la mise en œuvre et de la supervision de ce contrat
  • Un pool d’organismes assureurs, opérateurs industriels, assurant la bonne exécution de l’ensemble du dispositif.

Le contrat

En ce qui concerne le contrat, le comité recommande que celui-ci soit adossé automatiquement aux contrats d’assurance complémentaire santé responsable individuels, et collectifs à l’initiative des employeurs et des partenaires sociaux. Ceci apporte l’assurance de la diffusion large de la garantie dépendance à moindre coût puisque 96 % des foyers français en disposent à titre individuel ou dans le cadre d’un contrat collectif. La gestion de la garantie dépendance serait autonome au sein d’un contrat distinct du contrat d’assurance complémentaire santé responsable. Il serait en outre totalement « portable », c’est-à-dire transférable sur une nouvelle complémentaire en cas de changement d’assureur santé. Ce contrat obligatoire assurerait le service d’une rente en cas de dépendance totale. Cette solution présenterait, par ailleurs, les mêmes définitions de la dépendance totale (GIR 1 et GIR 2) et les mêmes niveaux de garantie pour tous, quel que soit l’âge de l’assuré. Ainsi qu’une grille tarifaire unique, transparente qui s’appliquerait tout au long de la vie.

Une gouvernance collégiale

Pour mettre en œuvre et superviser ce nouveau contrat, le CCSF recommande que ces missions soient confiées à une « instance collégiale » regroupant les partenaires sociaux, des représentants d’associations, des représentants de l’Etat et des professionnels de l’assurance, tout en précisant que cette instance aurait la charge d’assurer l’équité, la transparence et l’équilibre du dispositif.

Un pool assurant la bonne exécution

La proposition d’un pool d’organismes assureurs et d’opérateurs industriels en charge d’assurer la « bonne exécution » de l’ensemble du dispositif est peu détaillée dans le communiqué.

Et maintenant

Pour donner suite à cette recommandation et passer à l’action, le CCSF appelle à la tenue d’Etats généraux sur le financement de la dépendance rassemblant l’ensemble des parties prenantes : partenaires sociaux, pouvoirs publics, associations et professionnels. Il reviendra notamment à ces Etats Généraux d’arrêter les principes qui devront régir le Contrat Dépendance Solidaire.

Cette proposition du CCSF est plutôt bien accueillie. Elle recueille tout de même quelques critiques, par exemple la mutuelle Tutélaire, pourtant membre de la FNMF, a pris ses distances avec cette recommandation en faisant savoir ses réticences sur un modèle d’assurance dépendance avec une adhésion obligatoire, et rappelle que ce type de contrat avait été mis de côté dans le rapport Libault. D’autres critiquent le caractère intégralement privé du régime proposé, alors que les organismes complémentaires ont des frais de gestion notoirement supérieurs à ceux de l’assurance maladie.

Il est également légitime de s’interroger sur l’acceptabilité d’un tel mécanisme pour les plus jeunes. En effet, le sentiment de cotiser « à fonds perdus » sera bien plus fort encore que pour les complémentaires santé. Un dimensionnement intelligent des primes en fonction de l’âge pourrait néanmoins limiter les réticences.

Dans un contexte où la prise en charge des personnes dépendantes et de leurs familles représente un enjeu social et économique majeur, le Comité consultatif du secteur financier a pris une initiative significative et a le mérite d’apporter sa pierre à l’édifice.

Rappelons que l’Insee a calculé, au rythme actuel, que la France comptera 4 millions de personnes âgées en perte d’autonomie en 2050, et les personnes très dépendantes représenteraient alors 4,3% de la population des 60 ans ou plus (contre 3,7 % en 2015).


[1] Rapport de la concertation Grand âge et autonomie , remis à la Ministre des Solidarités et de la santé Agnès Buzyn le 28 mars 2019.

[2] Argus du 29 juin 22 Dépendance: la Mutualité Française et France Assureurs proposent de mutualiser le risque