Depuis le 21 décembre 2023, les Montpelliérains peuvent voyager gratuitement dans les transports publics de la ville. Cette mesure vient achever un processus d’encouragement d’utilisation des transports en commun, après la mise en place, le week-end, de la gratuité pour tous en 2020 et le reste de la semaine, pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans en 2021. Si les détracteurs du projet semblent sceptiques quant au bien-fondé d’une telle décision, les élus de Méditerranée Montpellier Métropole, eux, mettent en avant les nombreux bénéfices qu’ils espèrent retirer de cette initiative.  

Raisons et motivations avancées par la ville

La décision d’instaurer la gratuité des transports publics à Montpellier découle de diverses motivations, englobant des aspects sociaux, environnementaux et économiques. En premier lieu, elle vise à accroître la mobilité des citoyens en éliminant les barrières financières liées aux déplacements quotidiens. En supprimant les coûts liés aux billets ou aux abonnements, la ville cherche à rendre les transports publics plus accessibles à tous les résidents, favorisant ainsi l’inclusion sociale. Par ailleurs, sur le plan économique, outre le renforcement du pouvoir d’achat des familles, cette mesure peut stimuler l’activité locale en rendant plus facile l’accès aux commerces, restaurants et autres services du centre-ville, en crise face à la concurrence des zones commerciales périphériques, facilement accessibles en voiture. La gratuité des transports constitue bien évidemment une réponse proactive aux enjeux environnementaux en réduisant la dépendance à la voiture individuelle, limitant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et contribuant à l’amélioration de la qualité de l’air urbain, sans pénaliser les plus fragiles. En effet, à Montpellier, 40% des émissions CO2 proviennent du secteur des transports, en particulier des voitures qui sont près de 140 000 à entrer chaque jour dans la ville. En plus de dégrader la qualité de l’air, ces dernières provoquent de nombreux embouteillages que la gratuité des transports en commun pourrait réduire en incitant les automobilistes à laisser leur véhicule en parking relais. Il faut néanmoins soulever que seuls les habitants des 31 communes de Montpellier Métropole bénéficient de la mesure, ce qui n’incitera pas les automobilistes venant des communes extérieures à abandonner leur voiture aux abords de la ville.

Montpellier, pas la première mais précurseur tout de même

En somme, la mise en place de la gratuité des transports publics représente une démarche holistique visant à améliorer la vie quotidienne des citoyens tout en répondant aux défis contemporains liés à la mobilité urbaine, à l’environnement et à l’inclusivité sociale. Si ces motivations avaient déjà permis à 44 réseaux du territoire français de passer à la gratuité pour tous, dont quatre de plus de 100 000 habitants (Dunkerque, Niort, Aubagne et Calais), nous passons néanmoins un nouveau cap avec l’agglomération de Montpellier et ses 500 000 habitants, qui devient la plus grande ville d’Europe à proposer ce service. A l’étranger, la gratuité des transports a également été expérimentée dans de nombreuses villes, notamment aux Etats-Unis, en Estonie, en Allemagne et en Suède. La capitale estonienne, Tallinn, est la première ville européenne à avoir adopté la gratuité totale des transports en 2013.

Des limites soulevées sur tous les plans par les détracteurs du projet

A contrario, d’autres villes et régions ont montré leur désaccord avec cette mesure, opposant des arguments tant généraux que spécifiques à leur situation. C’est le cas de l’Ile-de-France où Valérie Pécresse a réitéré son opposition à la gratuité des transports, mentionnant notamment l’inefficacité et l’impossibilité de la mise en place dans sa région.

La principale question que soulève la gratuité des transports est celle des financements. Selon la présidente de la région Ile-de-France, « la gratuité n’existe pas, il y a toujours quelqu’un qui paie ». À Montpellier, ce sont 29 millions d’euros par an qui doivent être déboursés pour financer la gratuité selon Michaël Delafosse, maire de la ville. Il explique qu’une partie provient des contribuables qui paient déjà le transport dans leurs impôts. Une autre vient des tickets des visiteurs extérieurs et des touristes qu’il estime à 5 millions. À ceci s’ajoutent les subventions régionales et étatiques, les économies liées à la réduction du nombre de bornes de distribution de tickets, ainsi que le versement mobilité payé par les entreprises. Si Michaël Delafosse assure que les impôts n’augmenteront pas, il semble difficile d’imaginer le maintien (voire l’amélioration) de la qualité du réseau de transport en supprimant les recettes liées aux billets des habitants de la ville et sans augmenter d’une quelconque manière le niveau des prélèvements obligatoires. C’est d’ailleurs ce que soulève Valérie Pécresse qui déclare que la gratuité des transports en Ile-de-France entrainerait une hausse de 4 milliards d’impôts sur les Franciliens. La fondation Jean Jaurès analyse l’impact du passage à la gratuité sur la quantité et la qualité des équipements dans les villes et observe dans certains cas une réduction de l’offre, comme à Niort, ou à l’inverse dans d’autres situations une augmentation de la qualité des réseaux, comme à Dunkerque, accompagnée toutefois d’un accroissement des contributions financières pour les entreprises. Par ailleurs, dans la bataille opposant gratuité et qualité, une mission d’information du Sénat a montré que la première pèse moins auprès des usagers que la seconde. En effet, si 83% des sondés sont en faveur de la gratuité en général, ils sont toutefois 63% à préférer payer pour utiliser les transports en commun, si cela s’accompagne d’une amélioration de l’offre existante.

En outre, les détracteurs du projet avancent l’argument de la saturation des transports. Les capacités de certaines lignes comme le RER A en Île-de-France, la plus fréquentée et saturée d’Europe, sont déjà largement atteintes et ne peuvent pas être augmentées du jour au lendemain. Comment envisager qu’elles pourraient accueillir les nouveaux usagers qui se laisseraient tenter par les transports en commun du fait la gratuité ?

Enfin, on pourrait remettre en question le réel bénéfice environnemental d’une telle mesure. En effet, selon une enquête réalisée dans la population de Dunkerque, la gratuité connait un grand succès auprès des jeunes qui sont plus nombreux à utiliser les transports en commun. Néanmoins, ces derniers ne se déplaçaient pour la majorité pas en voiture auparavant, ce qui n’a aucun impact sur l’environnement. A contrario, les populations plus âgées, qui constituent la majeure partie des automobilistes, sont plus attachées à leurs habitudes de déplacement et plus difficiles à convaincre. Peut-être verrons-nous les réels bénéfices sur l’environnement dans quelques décennies lorsque les poids des générations dans la démographie seront inversés et que la gratuité représente finalement un pari à plus long terme que nous le pensions !

Une solution contestée mais qui laisse place à l’espoir

Ainsi, les avantages de la gratuité pour tous sont sans appel. Julie Frêche, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole résume le projet comme tel : « La gratuité des transports en commun, c’est du pouvoir d’achat en plus pour les familles, c’est l’écologie incitative pour tous, c’est récompenser les comportements vertueux ». Néanmoins, nous avons soulevé les limites d’un tel projet au plan de la qualité de l’offre et de son financement voire au plan de son efficacité écologique. Les alternatives des opposants telles que la gratuité solidaire (mise en place en Ile-de-France ou à Marseille par exemple), ou les initiatives à très bas prix, comme en Allemagne, semblent toutefois soulever les mêmes questionnements.

Il sera intéressant de suivre les différents modèles qui se mettent en place pour voir lesquels s’imposeront comme les standards de demain !