Les trois représentants des familles d’organismes complémentaires – le CTIP pour les institutions de prévoyance, la Mutualité Française (FNMF) pour les mutuelles et France Assureurs (ex-FFA), pour les assurances privées – et l’intersyndicale des Libéraux de santé (LDS), une organisation composée de onze syndicats représentants des généralistes, spécialistes, pharmaciens, infirmiers, chirurgiens-dentistes, orthophonistes… ont signé le 6 septembre 2022 un « accord de collaboration créant un espace de dialogue et de co-construction ».

Pourquoi cet accord ?

Les professionnels de santé et les assureurs souhaitent coopérer sur la prise en charge des frais médicaux et apporter des solutions concrètes pour améliorer l’efficacité du système de santé. Le communiqué commun précise que cet accord est motivé par « la nécessité d’améliorer l’accès aux soins pour tous, de renforcer la prévention et l’innovation et de garantir la soutenabilité financière d’un système de soins qui repose sur une association étroite entre public et privé ». Cet espace collaboratif s’attachera à traiter en priorité deux sujets :

  • L’amélioration des dispositifs de dispense d’avance de frais par les patients.
  • La conception et le déploiement d’actions de prévention et de santé publique.

Un accord « gagnant-gagnant »

Pour les complémentaires, la signature d’un accord avec les professionnels de santé est une façon d’affirmer leur rôle dans le financement du système de santé. Les assureurs se souvenant des débats de l’an dernier sur la création d’une « Grande Sécu » ne souhaitent pas que l’Assurance Maladie se pose en interlocuteur unique des professionnels de santé, y compris quand il s’agit de tiers payant.

Pour les professionnels de santé signataires leur but est d’améliorer le fonctionnement du tiers payant afin d’être toujours payé en temps et heure par la complémentaire santé de leur patient. Les solutions techniques actuelles ne correspondent pas à leurs attentes. Ils souhaitent aussi éviter que des changements de mutuelles mal répertoriés débouchent sur des impayés. Les libéraux de santé ne s’engagent pas sur un déploiement massif du tiers payant, un sujet qui a fait l’objet de débats par le passé avec les politiques désireux de généraliser ce système. Les libéraux, et notamment les médecins, avaient freiné des quatre fers lors de la mise en place du tiers payant généralisé, demandant notamment des garanties de paiement.

Pendant les discussions d’autres thèmes pourront être abordés, par exemple celui des bonnes pratiques de relations et de contractualisation entre les professionnels de santé et les OCAM[1], leurs relations ayant besoin de se normaliser après quelques années ‘tendues’ avec des sujets tels que la mise en place du tiers payant intégral et la mise en place des réseaux de soins.

La dispense d’avance de frais.

La dispense d’avance de frais, ou tiers-payant, est un dispositif qui permet la prise en charge des soins sans reste à payer et sans avance de frais pour les patients. Le tiers payant a beau être un moyen de faciliter l’accès à la santé des personnes aux revenus les plus modestes, il est loin d’être proposé par tous les professionnels de santé. Très largement proposé chez les pharmaciens, il est beaucoup moins répandu chez les médecins. Toutes les parties reconnaissent que la dispense d’avance de frais est un élément favorable pour garantir l’accès aux soins et préserver le pouvoir d’achat, mais elles précisent qu’elle « est vécue comme une contrainte pour les professionnels de santé ». Une concertation doit définir une solution cible répondant aux enjeux nouveaux, qui prendra en compte les besoins des acteurs et les dernières innovations technologiques. Par exemple, ils veulent pouvoir gérer les rapprochements entre les informations de règlement des complémentaires santé dans leurs logiciels et les paiements sur leur compte bancaire. Une des solutions proposées par les syndicats est un système d’avance de frais qui ne serait géré ni par la Cnam ni par les mutuelles mais par un organisme intermédiaire. Cet organisme aurait la charge d’analyser les droits des patients en temps réel, de faire le lien entre les médecins et la Cnam et les mutuelles, de faire le rapprochement bancaire et de payer.

L’accord précisant que « Cette solution s’imposera progressivement à toutes les professions de santé représentées au sein des Libéraux de Santé », bien qu’il soit ensuite souligné que les professionnels de santé et les OCAM pourront choisir librement les solutions proposées et pourront s’appuyer sur des solutions existantes lorsqu’elles donnent satisfaction.

Par ailleurs, les Libéraux de santé et l’inter-AMC (l’association des complémentaires et de leurs prestataires qui s’occupent de la partie technique) doivent travailler « en concertation avec la Cnam » sur « une nouvelle expression commune des besoins, qui aura vocation à faire évoluer les cahiers des charges techniques ». L’objectif à terme serait donc de faciliter les paiements et de fluidifier les relations entre professionnels de santé et organismes complémentaires.

A souligner que l’accord ne retient pas le terme « tiers payant », ce terme rappelant probablement les difficultés rencontrées pour sa diffusion auprès des professionnels de santé ces dernières années et renvoyant aux tentatives des pouvoirs publics de légiférer dans le cadre du précédent PLFSS.  L’accord du 6 septembre entre professionnels libéraux et organismes complémentaires a pour objectif d’éviter l’encadrement par les pouvoirs publics sur ces sujets.

La prévention 

Concernant le volet prévention, les signataires souhaitent agir ensemble afin d’améliorer l’efficacité de leurs actions, considérant que la prévention est un sujet d’action prioritaire qui doit se décliner de manière concrète auprès des différentes populations cibles : jeunes, actifs, retraités…. L’enjeu est de construire des parcours adaptés et d’en assurer une promotion active.

Sur ce volet, l’accord prévoit que les signataires s’engagent à travailler ensemble (et avec la Cnam) pour la définition « d’un cadre de référence partagé sur l’usage de données utiles à un accompagnement et une prévention plus efficiente et à en assurer la promotion auprès des professionnels de santé et des usagers ». Assureurs et professionnels de santé s’accordent sur l’importance de mener des actions ciblées, de construire des parcours adaptés et d’en faire la promotion auprès des publics les plus éloignés du système de santé. L’accord pointe l’importance du numérique en santé et de la data pour proposer des solutions personnalisées.

A retenir : liberté de choix et ouverture aux nouvelles technologies

Nous noterons deux-points qui nous semblent très importants dans cet accord :

  • Liberté de choix et ouverture : les signataires souhaitent conserver leur liberté d’échanges et d’action et éviter qu’un encadrement règlementaire renforcé ne bride leur capacité d’initiatives.  Les professionnels de santé et les organismes complémentaires tiennent à conserver la liberté de choix des solutions. Cet accord reste ouvert à d’autres organisations représentatives de professionnels de santé ainsi qu’aux représentants des usagers du système de santé.
  • L’ouverture aux nouvelles technologies. Alors qu’on assite au développement du numérique en santé, cette concertation devra prendre en compte les nombreuses évolutions technologiques en cours (e-santé), l’arrivée de l’Espace numérique de santé, du Health Data Hub et l’importance de la data notamment pour la prévention. Par exemple un rapprochement serait pertinent avec les cinq cas d’usage sélectionnés dans le cadre de la création de la version test d’un Espace européen des données de santé, coordonné par le Health Data Hub, pour démontrer la faisabilité et l’impact potentiel de l’exploitation de données de santé pour la santé publique, la recherche, l’innovation et l’amélioration du système de soins de santé. [2]

A noter également à la rubrique ‘sujets qui fâchent’ que la question des réseaux de soins n’est pas abordée dans l’accord.

Un signal fort.

Ce texte a d’emblée été qualifié de signal « fort » par les organismes complémentaires, leurs représentants ont déclaré « Cet accord entre professionnels de santé et acteurs de l’assurance complémentaire est un signal fort, montrant que nous sommes prêts à travailler ensemble. Nous nous félicitons que cet espace d’échange soit créé pour nous permettre de simplifier la prise en charge des soins sans reste à payer et sans avance de frais pour les patients ».

Pour les Libéraux de santé, cet accord instaure un espace de dialogue et de projets :« Sans renier l’indépendance des syndicats représentatifs des professionnels de santé libéraux, nous avons voulu instaurer un espace de dialogue et de projets. L’urgence de la situation du système de santé commande d’agir et de sortir des postures pour construire ensemble, et avec les pouvoirs publics, sur des sujets aussi essentiels que la prévention » indique Sébastien Guérard, président des Libéraux de Santé.

Nous attendons avec impatience les premières réalisation concrètes !

Annexes :

Télécharger l’accord de collaborationTélécharger le communiqué de presse au format PDF


[1] Organisme Complémentaire d’Assurance Maladie

[2] https://www.health-data-hub.fr/actualites/projet-pilote-de-lespace-europeen-des-donnees-de-sante-les-5-cas-dusage