Vers la fin de la déshérence en matière de retraite supplémentaire ? Une nouvelle mission pour le GIP Union Retraite

par | 29 juillet 2021 | Assurance

Qu’est-ce que L’union Retraite ?

L’Union Retraite est un groupement d’intérêt public (GIP) qui réunit les organismes de retraite obligatoire, de base et complémentaire. Créé par la loi de réforme des retraites du 20 janvier 2014, et initialement nommé GIP Info Retraite, il est devenu le GIP Union Retraite en novembre de la même année. Ce groupement est chargé du pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet de rendre plus simple et plus compréhensible le système des retraites. Il assure également la mise en œuvre du droit à l’information retraite prévu par les lois de 2003 et 2010, initialement traité par le GIP Info Retraite. Dans sa feuille de route 2021-2022, les missions du groupement sont déclinées en quatre grands axes : poursuivre le développement de l’offre de services, déployer l’inter-régimes de gestion, mettre l’expertise inter-régimes au service de l’État et des régimes, améliorer l’efficience de l’inter-régimes.

Une nouvelle mission pour l’Union Retraite

Une récente loi, de février 2021, relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire confie au GIP Union Retraite une nouvelle mission afin de prévenir cette déshérence. [1]

Pourquoi cette mission ?

Il y a des Français qui ne connaissent pas leurs droits et ne savent pas qu’ils ont des contrats d’assurance retraite supplémentaire sur leur tête.” C’est ainsi que le vice-président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Daniel Labaronne[2],  résume la problématique.

Un petit rappel tout d’abord. Dans le cadre de l’épargne nous parlons dedéshérence pour désigner un capital qui a été formé auprès d’une compagnie d’assurance, mutuelle ou institution de prévoyance, et qui n’est jamais réclamé ou restitué à son propriétaire, son ayant droit ou son bénéficiaire.

Le phénomène de déshérence a déjà été encadré en matière de comptes bancaires, contrats d’assurance-vie et de prévoyance-décès. Pour les contrats d’assurance les obligations règlementaires préexistante de recherche de bénéficiaire n’étaient pas toujours bien respectées ce qui a amené l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à prononcer des sanctions record contre quatre organismes d’assurance en 2014. Puis les lois, dites “Eckert” et “Sapin II”, se sont attaquées au chantier de la déshérence en renforçant notamment les obligations d’information par les organismes d’assurance. Pour leur part les entreprises d’assurance, les Institutions de prévoyance et les Mutuelles ont confié à un organisme, l’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance (AGIRA) la mission de mettre en place des dispositifs législatifs et déontologiques destinés à lutter contre la déshérence des contrats d’assurance sur la vie.  Ce dispositif fait suite aux lois du 15 décembre 2005 (Le bénéficiaire recherche l’assureur) et du 17 décembre 2007 (Les assureurs doivent s’informer du décès éventuel de leur assuré).

Mais le système actuel comportait encore des faiblesses et l’épargne retraite ‘supplémentaire’ reste pour beaucoup de français encore opaque et peu lisible. Une première faiblesse est d’ordre structurelle : La loi de 2014, dite Eckert, est difficilement applicable aux contrats d’épargne retraite, car ses obligations ne concernent pas les contrats sans terme défini, ce que sont les produits d’épargne retraite supplémentaire à adhésion collective, comme les articles 83 ou  39. Des contrats qui représentent selon l’ACPR “un peu plus de la moitié des encours et du nombre de contrats totaux”. Dans un rapport en date du 24 mai 2018, l’ACPR avance un stock de 13 Mds€ d’épargne retraite qui ne serait pas remis à leurs bénéficiaires « des stocks de contrats problématiques, pour lesquels le contact avec l’assuré a été rompu>>.

Il s’ensuit qu’une des causes principales de déshérence est la perte de contact avec les bénéficiaires. L’ACPR souligne cette difficulté plus importante touchant les contrats à adhésion obligatoire pour lesquels les informations détenues par les assureurs sont parfois incomplètes et ne permettent pas de retrouver la trace des bénéficiaires.  Le CCSF (Comité de Consultation du Secteur Financier) fait le même constat en précisant que la déshérence porte principalement sur des contrats collectifs à adhésion obligatoire souscrits par les entreprises, comme les Article 83. Des événements tels que le changement d’employeur, le départ à la retraite ou un déménagement font que le bénéficiaire perd le contact avec son ou ses employeurs.  De même, la disparition des entreprises souscriptrices ou l’incomplétude d’information communiquée par l’entreprise sur les salariés assurés compliquent la tâche des assureurs pour retrouver les titulaires de contrats de retraite supplémentaire. Selon l’ACPR la proportion de plis non distribués atteindrait 75 % pour les personnes concernées âgées de plus de 70 ans.

Du côté du salarié, n’étant pas le signataire direct, parfois même pas le payeur, il perd facilement de vue non seulement le contrat, mais aussi l’assureur, voire l’entreprise en fonction des événements : changements d’adresse, changements d’employeur… Les assurés finissent par oublier l’épargne qu’ils ont pu constituer, faute d’une information accessible et régulière concernant leurs droits acquis mais finalement jamais liquidés. Ces contrats peuvent aussi passer inaperçus des assurés bénéficiaires, par absence de compréhension de quelques lignes peu explicites sur leur feuille de paye.

Il faut souligner que la loi PACTE [3] a procédé à un remaniement profond du paysage de l’épargne retraite, créant de nouveaux plans d’épargne retraite (PER) intégralement portables et transférables tout au long de la vie, par exemple lors d’un changement d’employeur. Ces PER se trouvent donc moins exposés au risque de déshérence que les produits qu’ils remplacent.

Comment décliner opérationnellement cette mission ?  

Pour traiter ce problème et remplir sa nouvelle mission le GIP Union Retraite va devoir :

  • Mettre en place un répertoire consacré à la gestion des informations mises à disposition des assurés par les gestionnaires au titre des produits d’épargne retraite.
  • Publier des informations sur son service en ligne : www.info-retraite.fr

Les gestionnaires (entreprises d’assurance, mutuelles ou unions, institutions de prévoyance ou unions, organismes de retraite professionnelle supplémentaire, établissements de crédit, entreprises d’investissement ou établissements habilités pour les activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers) transmettront les informations nécessaires au groupement qui en assurera la gestion. Les gestionnaires pourront également recevoir un retour du GIP et avoir connaissance du succès ou non quant à l’identification du souscripteur qu’ils ont indiqué au groupement, la connexion ou non de l’assuré au site info-retraite.fr au cours de l’année écoulée. Ces informations leur permettront d’orienter leurs actions sur les suspicions les plus fortes de déshérence. La publication prendra la forme d’un relevé de situation individuelle récapitulant les droits constitués par les assurés au titre des produits d’épargne retraite.  Le GIP grâce aux données transmises, identifie l’assuré du contrat et lui indique, au moyen du portail « Info retraite », l’existence du produit souscrit en son nom. Dans un délai de 18 mois au plus tard après la promulgation de la loi, chaque actif ou retraité qui consulte son compte retraite sur le site www.info-retraite.fr pourra accéder gratuitement aux informations relatives aux produits d’épargne retraite supplémentaires qu’il a souscrits, directement ou indirectement, au cours de sa vie.

Un décret [4] fixe la liste des produits soumis à l’obligation de déclaration par les gestionnaires des contrats au GIP union-retraite. Il entrera en vigueur le 1er juillet 2022.

Une avancée certaine pour le futur retraité…

Nous avons donc décrit l’enjeux principal pour lutter contre la déshérence :  garder les données à jour et améliorer leur qualité. Mais tout n’est pas pour autant réglé par cette nouvelle loi et d’autres préconisations sont détaillées dans un rapport de la Cour des comptes de février 2019, intitulé : << Les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence : une réforme bien engagée, une mise en œuvre à conforter >> : Tout est dans le titre ! [5] Il est donc probable que d’autres évolutions verront le jour.

Un point important reste à souligner : <<Le site officiel qui simplifie la retraite>> indique le GIP Union Retraite sur la page d’accueil de son site web. Cette nouvelle loi apporte une confirmation de ce rôle car concrètement, retraités et futurs retraités auront, en un seul et même lieu, une lecture conjointe de leurs droits de retraite par répartition, au titre des régimes obligatoires, et de leurs droits par capitalisation. Une première pour réunir ces deux visions de la retraite qui s’opposent régulièrement…. Et pour le bénéficiaire, un moyen de comparer la participation de chacun des dispositifs à la constitution de sa retraite. Intéressant !


[1] LOI n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire.

[2] Député de la 2e circonscription d’Indre-et-Loire. Vice-président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Représentant l’Assemblée nationale au Comité consultatif du secteur financier, est à l’origine de cette loi contre la déshérence des contrats d’assurance retraite supplémentaire.

[3] Loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).

[4] Décret n° 2021-814 du 25 juin 2021 portant la liste des produits d’épargne couverts par la loi n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats d’épargne retraite supplémentaire.

[5] Rapport de la cour des comptes 2019. Tome II Les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence.